TÉMOIGNAGES

"JE SOUFFRE D'UNE MALADIE INVISIBLE"

DEPUIS UN ACCIDENT DE VOITURE

Jocelyne Laferrière

Jocelyne croyait que son accident de voiture n'avait pas eu de conséquences graves, jusqu'à ce qu'elle commence à souffrir de partout. Pourtant, son médecin ne lui trouvait rien d'anormal...

Fermez les yeux un instant et essayez d'imaginer ce que vous devriez subir si vous étiez atteint de fibromyalgie, une maladie "invisible" encore très mal connue.  Vous avez mal partout, de façon de plus en plus intense, mais vos examens médicaux indiquent que tout va bien : les radiographies sont normales, rien de cassé, rien de déplacé.  Aucune lésion.  Aucun organe malade.  On ne sait pas ce que vous avez, on laisse entendre que c'est peut- être...  dans la tête et on parle de vous diriger vers un psychiatre !  La douleur est pourtant bien réelle et elle persiste.

Jocelyne Laferrière a vécu cet enfer.  En 1991, quand elle a appris le diagnostic, sa vie a basculé.

Madame Laferrière, dans quelles circonstances avez-vous appris que vous étiez atteinte de la fibromyalgie ?

Dans mon cas, il y a eu un élément déclencheur : j'ai eu un accident de voiture, mais je n'ai pas subi de séquelles physiques importantes.  Ce qui était bizarre, c'est que j'avais une entorse cervicale, j'avais mal au dos et à la hanche, et la douleur ne diminuait pas.  Je suis allée en physiothérapie pendant sept mois, et ça ne s'améliorait pas.  Un bon jour, mon employeur a exigé que je reprenne le travail.  Au bout d'une semaine, la douleur est devenue intolérable.  J'ai pris un mois de vacances à mes frais.

Avez-vous pu recommencer à travailler ensuite ?
Oui, mais ça été un an d'enfer !

Quel était votre métier ?
J'étais infirmière; j'avais 16 ans d'ancienneté et je travaillais dans un gros département, en chirurgie générale.  Cette année-là, j'ai travaillé de peine et de misère ! Quand j'arrivais dans le stationnement de l'hôpital, je n'avais qu'une envie : m'en aller à l'urgence au lieu d'aller travailler !

Comment se manifestait la maladie à ce moment-là ?
La douleur était toujours présente.  Je prenais une douche le matin et, juste en me lavant la tête, je commençais à avoir mal aux bras !  Quand on a établi le diagnostic de fibromyalgie, en 1991, je ne pouvais plus m'habiller seule.  J'avais de la misère à me coucher, je ne dormais plus depuis un mois...  J'étais en période de crise aigüe.

Quel traitement médical vous a-t-on prescrit ?
Mon médecin m'a prescrit un médicament jouant le rôle de relaxant musculaire et d'antidépresseur.  Mais je n'acceptais pas de prendre des médicaments et j'ai abandonné le traitement à plusieurs reprises, ce qui ne m'aidait pas !  J'ai fini par comprendre que ma qualité de vie en dépendait et, maintenant, je les prends régulièrement.

Comment avez-vous réagi en apprenant que vous souffriez de cette maladie ?
J'ai longuement essayé de nier.  Je me disais que ça passerait...  J'avais besoin de me prouver que j'étais encore capable de faire beaucoup de choses, si bien que j'en faisais trop.  J'allais toujours au bout de mes forces.  Et, surtout, je me suis beaucoup culpabilisée.  Je me sentais coupable de rester à la maison parce que je n'étais pas "fonctionnelle" et je me sentais isolée quand je devais m'arrêter et me reposer.

Qu'est-ce que cette maladie a changé dans votre vie ?
J'avais choisi une profession que j'aimais beaucoup, mais j'ai dû y renoncer ; je n'étais plus capable.  Je ne travaille plus depuis 1991.  C'est dur de perdre tout ça du jour au lendemain.

Avez-vous remplacé le travail par de nouvelles activités ?
Oui.  Au début, j'ai offert à ma voisine de garder sa petite fille gratuitement.  Cet enfant m'a redonné le goût de vivre, et j'ai retrouvé l'estime de moi-même.  Ensuite, c'est le bénévolat qui a été ma grande porte de sortie.  Je suis relationniste à l'Association de la Fibromyalgie du Québec.  J'aime m'engager, je suis quelqu'un qui se donne à 100%.  J'ai aussi appris à être vigilante : juste le fait de répondre au téléphone, ça n'a l'air de rien pour la majorité des gens, mais c'est très dur pour mes bras à la longue.  Et dès que j'en fais trop, je suis incapable de "fonctionner" pendant deux ou trois jours.

Quel est le plus difficile pour vous maintenant ?
D'avoir toujours à demander de l'aide pour des gestes aussi simples qu'ouvrir un pot de marinades ou retirer le linge de la laveuse.  J'ai la chance d'avoir un entourage très compréhensif.  Mon mari m'aide beaucoup. 

"J'ai besoin d'aide pour des gestes aussi simples qu'ouvrir un pot ou retirer le linge de la laveuse..."

Il y a eu des moments où je n'avais plus le goût d'avancer parce que j'avais peur de devenir une charge trop lourde pour lui.  J'ai deux adolescents, de 15 et 17 ans respectivement.  Ils sont tous très compréhensifs.  S'ils n'avaient pas été là, j'aurais perdu les pédales !

Votre état est-il plus stable maintenant ?
Oui, une fois qu'on a appris à vivre avec cette maladie, ça va beaucoup mieux, mais il faut économiser son énergie.  Ça demande beaucoup d'organisation, et on doit planifier son emploi du temps afin de ne pas trop en faire en une seule journée.  Il faut respecter son corps.

 

Source: Dernière heure 6 juillet 1996.






Adapté par Louise Rochette Louise
Email: LouiseRochette@gmail.com