TÉMOIGNAGE
DUNE PERSONNE ATTEINTE DE FATIGUE CHRONIQUE ET DE
FIBROMYALGIE ADRESSÉ AU COLLÈGE DES MÉDECINS DU
QUÉBEC
Votre devise: "Une
médecine de qualité au service du public".
Attablée à mon ordinateur, mon corps
tremble de fatigue et la douleur me gêne. Je fais un
effort pour vous sensibiliser sans savoir si je pourrai
en vain terminer ce témoignage dun seul trait
comme je pouvais si bien le faire auparavant.
Depuis deux ans, jai commencé à
montrer des signes dune maladie qui
aujourdhui me laisse avec moins 10% de mes
capacités. Je peux à peine satisfaire mes besoins de
base.
La maladie a débuté par une grande
fatigue, des symptômes incohérents et des douleurs
diffuses, tantôt musculaires, tantôt articulaires.
Graduellement, je voyais mes capacités diminuer. Au
cours de la première année de la maladie (1999-00) où
les signes ont commencé à apparaître, jai dû
abandonner une grande partie de mes activités pour
réserver le peu dénergie qui me restait à mon
travail professionnel. Puisque les visites médicales et
en médecine naturelle ne mapportaient aucune
réponse, jattribuais ces signes à mon âge (43
ans à lépoque); à un changement hormonal ou à
tous autres facteurs qui pouvaient découler des
nombreuses affections répétitives (bronchites,
gastro-entérite, etc..). Je persistait à pratiquer mon
sport qui me rendait littéralement malade.
Jingurgitais vitamines et minéraux en espérant un
changement. Mais en vain, rien ne semblait y faire.
Jai dû abandonner mon sport
(natation) que je pratiquais depuis plusieurs années.
Jai mis fins à mes activités sociales, et du
même coup à plusieurs relations qui saffolaient
devant ma déchéance. Jai dû aussi abandonner un
programme détudes que javais entrepris un an
auparavant. Vue mon incapacité, plus question non plus
dentretenir lextérieur de ma résidence,
ayant à peine suffisamment dénergie pour les
tâches quotidiennes à lintérieur que je devais
aussi négliger.
Au travail, je multipliais les retards et
les absences. Ma banque de congés de maladie ne
suffisait pas et je devais utiliser mes congés annuels
pour récupérer sommeil et énergie. Comme leffet
dun escalier, je montais une marche et en
redescendais trois à la fois. Mon travail sen
ressentait. Javais peine à morganiser et à
respecter mes délais. Javais de plus en plus de
difficulté à traiter plusieurs dossiers à la fois. Je
narrivais plus à me concentrer dans mon milieu de
travail. Je confondais les dossiers, mon horaire et
parfois même les jours ou les mois. Pour me souvenir de
ce que je devais faire, je faisais des listes pour gérer
mes tâches et mon calendrier que je narrivais
même plus à suivre.
La dernière année a été un réel
cauchemar. Au printemps 2000, je me suis payé une
mononucléose qui ma clouée au lit pendant deux
semaines. Pendant lété, la fatigue déjà
accumulée sest accentuée et les symptômes
musculaires se sont multipliés. Jingurgitais des
anti-douleurs pour arriver à fonctionner. Mes nuits sans
sommeil se succédaient. Mais je ne démordais pas,
croyant fermement que ce nétait quune
mauvaise période et que tôt ou tard, jaurais le
dessus. Cétait un combat entre la maladie et moi.
Javais toujours réussi à remonter la pente, mais
cette fois, elle a eu ma peau.
Je suis actuellement en repos médical
depuis la mi-octobre 2000. Contrairement à ce que je
croyais, ma santé a continué à se détériorer.
Aujourdhui, je dois demander de laide à mon
entourage ou payer pour toute tâches qui autrefois ne me
demandaient aucun effort. Jai perdu 90% de mes
capacités. Jai peine à soutenir un livre dans mes
mains, me préparer un repas qui me demande parfois trois
jours avant de pouvoir en terminer la préparation.
Mon assurance me harcèle constamment pour
que je puisse prouver ma maladie dont le diagnostic est
déjà confirmée par trois médecins. Ils demandent
rapports après rapports et ordonnent des évaluations de
toutes sortes devant prouver mon incapacité au travail.
Sils savaient que le seul fait de me déplacer chez
mon médecin me demande un effort surhumain.
Malheureusement, cette attitude de leur
part s'appuie sur votre communiqué de presse qui
recommande un retour au travail pressant (3 mois).
Si le Collège des médecins ne reconnaît
pas linvalidité prolongée de cette maladie,
comment voulez-vous que les administrations et le public
la reconnaissent?
En lisant votre communiqué,
jexprime des doutes sur les fondements qui
supportent cette recommandation de la part du collège.
Votre devise "une médecine de qualité au service
du public" nest-elle pas contradictoire avec
votre recommandation?
Certains médecins qui suivent
lévolution de la maladie et voient parfaitement
lincapacité quelle crée chez leurs patients
sont pris au piège par votre ignorance qui se traduit
clairement dans lénonçé de ce communiqué et par
vos recommandations qui pourraient même se qualifier de
farfelu, lorsquon sait combien cette maladie peut
être invalidante et de longue durée, en étant
moi-même atteinte depuis déjà deux ans.
Il est triste de constater que
linstitution la plus formelle qui devrait non
seulement être familière avec les conséquences de
cette maladie et apporter appui aux médecins et aux
patients qui sont aux prises avec cette maladie puisse
par ses affirmations nuire aux patients qui en sont
atteints.
A quand remonte votre dernière étude sur
le sujet, si étude il y a eu? Avez-vous déjà
rencontré des patients qui souffrent de cette maladie?
Vous êtes-vous référé aux témoignages et aux
rapports détudes qui circulent présentement?
Avec de telles évidences, ne serait-il
pas opportun de revoir la question!
Jose croire que ce message soit
suffisamment convainquant pour quil suscite chez
vous ne serait-ce quune seconde de réflexion sur
les conséquences de vos communiqués pour les gens qui
ont à vivre avec cette maladie.