Bonjour à tout le monde, on sait tous et toutes ce que cette saleté de maladie nous apporte comme souffrances sans parler de tout le reste.  Mais,  il y a aussi d'autres maladies qui sont aussi pires mais qui, elles, conduisent à la mort. 

Nous avions un voisin depuis quelques années que nous ne connaissions pas encore. Par pur hasard, nous avons été amenés à le connaître, il y a 15 ans. Et, au bout de quelques mois, il y a une amitié qui s'est créée entre nous. Nous savions qu'il était malade mais nous ne savions pas de quoi et nous n'avons jamais osé poser de questions. Après 1 an, l'amitié était tellement forte que c'était presque devenu un frère pour moi et une soeur pour lui parce qu'il faut dire que sa famille l'avait presque totalement abandonnée. Il avait sa mère,1 frère et 2 soeurs. Il n'y avait qu'une soeur qui venait mais pas très souvent. Il suivait des cours sur la mort mais nous ne comprenions pas pourquoi. Donc, il a commencé à nous envoyer des messages afin que nous découvrions sa maladie. Mais, nous ne les captions pas ou ne voulions pas le faire. Ça m'a pris à peu près 6 mois, je dis m'a parce que c'est moi qui l'ai su la première. Une fin de semaine ou mon conjoint était parti à la chasse, Robert (c'était son nom) et moi , on se parlait au téléphone, on pouvait se parler des heures et nous avions toujours quelque chose à nous dire. À un certain moment, il me dit " Dis-moi ce que tu penses que j'ai comme maladie et je vais te répondre franchement". J'avais déjà quelque chose en tête mais, je lui ai répondu que je ne voulais pas le blesser.

Il me promet alors de ne pas se fâcher et de me répondre franchement. Je lui dis alors "Ce n'est pas le sida que tu as". Il me répond que oui et je perçois un soulagement dans sa voix. Là, il me demande si mon conjoint et moi, on voulait l'accompagner dans cette maladie jusqu'à la fin, je lui réponds que pour ce qui est de moi c'est oui, mais qu'il fallait que j'en parle à Jean (mon conjoint) pour savoir ce que lui décidait. C'est donc ce que j'ai fait mais Jean voulait se renseigner à notre médecin avant de se lancer. Celui-ci nous a dit qu'il n'y avait aucun problème en autant qu'il ait tous les moyens de précaution vis-à-vis nous. Quand nous avons dit à Robert que oui, nous l'accompagnerions jusqu'à la fin, nous avons pleuré tous les 3. Nous ne regrettons et ne regretterons jamais ce que nous avons fait, mais laisses-moi te dire Louise que ça été des années très difficiles pendant et après son décès pour moi. Je dis moi parce que c'est avec moi que Robert était plus à l'aise. Avec Jean, il ne parlait pas très souvent de la maladie mais ils avaient des discussions tous les deux sur toutes sortes de sujets. Et, souvent, ils n'étaient pas d'accord mais ils se respectaient dans leurs idées. Les 2 dernières années de sa vie ont été particulièrement dures parce que la maladie progressait de plus en plus vite, mais nous étions toujours là pour lui et il savait qu'il pouvait nous appeler de jour comme de nuit.  Il est venu chercher toutes mes énergies mais Jean était toujours là pour me remonter quand il voyait que mon moral baissait.

Il faut que je dise qu'au moment ou il a attrapé la maladie, celle-ci n'était pas connue. Je m'excuse si mes propos sont un peu décousus mais je n'ai rien composé d'avance. Je l'écris comme si je le revivais et même après toutes ces années, ça vient me chercher encore.

Pendant ces deux dernières années, par moments, il devenait très agressif en paroles avec tous ceux qui l'entouraient. Je ne me souviens pas si je l'ai dit mais il y avait un psychothérapeute du C.L.S.C. qui venait le voir toutes les semaines. Francisco ( le psy ) m'a beaucoup aidé durant ces dernières années. Je ne crois pas que j'aurais été capable de me rendre jusqu'à la fin s'il n'avait pas été là. Donc,moi, je vivais très mal son agressivité car je le voyais souffrir le martyre et je ne pouvais rien faire pour lui. Son médecin, qui savait ce qu'il avait ne voulait pas lui prescrire de la morphine. J'ai essayé souvent, en allant la voir de lui expliquer tout ce qu'il pouvait endurer. mais elle s'en fichait carrément. Son système immunitaire étant très faible, il attrapait tous les virus qui passaient. Et puis, un jour, j'ai eu une idée. J'ai appelé à l'hôpital de notre coin et j'ai expliqué son cas. L'infirmière m'a reféré à un pneumologue. Je ne remercierai jamais assez ce spécialiste. Je lui ai tout raconté: qu'il était atteint du sida, que son médecin lui refusait quoi que ce soit, qu'il souffrait terriblement, que ça faisait plusieurs fois fois que Jean et moi le trouvions pa terre incapable de se relever à cause des douleurs etc... Le pneumo a pris ses renseignements pour être certain que tout ce que je lui racontais était vrai, et le lendemain, il me rappelait pour me dire d'aller à telle pharmacie et qu'il lui avait prescrit tout ce qu'il lui fallait. Je sais que vous allez avoir de la difficulté à croire ce que je vous dis car moi-même, je croyais que je rêvais à ce moment-là. Mais, c'est pourtant la vérité, un médecin humain qui répondait à nos attentes et cela sans encore le connaître. Il l'a vu par la suite mais il lui avait prescrit de la morphine en comprimés et en injection au besoin. Il n'a pas spécifié de limites. Par contre, Robert n'a jamais abusé car il voulait quand même rester conscient. Il voulait profiter de la vie jusqu'à la fin. À peu près un an avant son décès, j'ai été obligé, malgré moi, de décrocher c'est-à-dire de ne plus m'en occuper. J'étais rendue à bout et c'était lui ou moi et je savais que si je ne le faisais pas à ce moment-là, je ne pourrais pas être là pour ses derniers temps. J'ai donc été 3 mois sans aller chez lui mais ça m'arrachait le coeur car de la fenêtre de ma cuisine, je voyais sa maison. Francisco avait été formel, il fallait que je le fasse. Au bout de cette période que j'ai trouvé très longue, nous avons repris contact malgré ses rétiscences dû à son orgueil mal placé. C'est Francisco qui lui a fait entendre raison et qui lui a expliqué que maintenant que j'avais repris des forces, je serais là jusqu'à la fin.

Pendant les quelques mois ou j'avais décroché, j'avais suivi une thérapie avec Francisco. Robert était toujours agressif en paroles mais moi, je ne l'acceptais plus et je lui disais:" Robert, ce n'est pas de ma faute si tu as cette maladie. Alors,arrête ou je m'en vais chez moi. Il savait que je l'aurais fait et il changeait de ton."

Combien de fois m'a-t-il dit que c'est moi qui aurait dû être sa mère et combien de fois avons-nous pleuré ensemble en parlant de sa fin qui approchait. Mais, nous avons eu de très beaux moments avec lui ou on riait tellement qu'on s'étouffait. C'était un homme qui aimait la vie comme personne ne pourra jamais l'aimer. Je dis C'ÉTAIT et comme je voudrais pouvoir dire C'EST. Il me manque tellement et pas seulement à moi mais à Jean aussi. Les belles conversations que nous avons eues sur tous les sujets excepté la religion et la politique. C'étaient des sujets que nous n'abordions jamais. Je parle souvent de ma relation amicale avec lui mais Jean aussi était là. La différence c'est que Jean c'était plus pour parler d'autres choses que la maladie en elle-même et c'était aussi celui qui s'occupait de le relever quand il était tombé, faire les courses et surtout me remonter le moral quand on revenait chez nous. Jean travaillait de nuit à ce moment-là. Robert et moi, nous avons passé des nuits à parler de tout et de rien mais il voulait souvent parler de sa condition et il me disait souvent de pleurer si j'en avais envie. Il en voulait terriblement à sa famille. J'ai essayé autant que j'ai pu de les excuser mais c'est une chose que je n'ai jamais réussi. J'écris et c'est comme si je revivais tout ça et je pleure à chaudes larmes.

La dernière année, je lui préparais des petits plats individuels que je mettais dans son congélateur. Alors, n'importe quand, s'il avait faim, il n'avait qu'à le mettre au micro-ondes. Nous ne voulions pas qu'il se fasse à manger ni qu'il chauffe son poêle à bois et il nous écoutait. Les deux derniers temps des FÊTES, nous sommes restés avec lui parce que la seule soeur de Robert qui venait le voir de temps en temps avait décidé qu'elle allait skier. Mais, nous ne l'avons jamais regretté, nous nous sommes faits des partys à 3 avec de la musique et de bons repas et du vin. Je ne peux pas tout raconter car je crois que j'écrirais 2 briques. 6 mois avant sa mort, nous avons dû le faire hospitaliser parce qu'il n'arrêtait pas de vomir mais nous lui avions promis qu'il reviendrait chez lui après avoir passé des examens. C'est à cette occasion qu'il m'a dit qu'il aimerait que ce soit moi qui serait avec lui lors de son départ. Je n'ai pas hésité un seul instant, je lui ai dit oui tout de suite. À l'hôpital,ils ont été fantastiques. Il était dans une chambre privée à cause de cette maladie. Ils l'ont mis tout de suite sur morphine dans son sérum et je ne comprendrai jamais comment il a pu survivre aux doses massives qu'il lui donnait. Il nous reconnaissait et il nous faisait rire. Nous ne l'avions jamais entendu chanter car c'était un homme discret. Mais, là, il chantait des chansons en allemand et il paraîtrait que c'était vraiment de l'allemand. Il était allé faire un voyage en Allemagne et il y avait une ville qui l'avait frappé, je ne me souviens plus laquelle. Mais,il en parlait avec Jean. Il n'y avait qu'avec Jean qu'il pouvait en parler parce que Jean a beaucoup voyagé,que ses parents étaient belges, qu'il est né en France et que sa grand-mère paternelle était espagnole. Je ne sais pas pourquoi je vous raconte tout ça.

Au bout de 3 à 4 jours, il est tombé dans un état semi-comateux qui duré presque 1 semaine. Moi, entre-temps, j'avais eu une longue conversation avec sa soeur comme quoi Jean et moi ne pouvions plus juste nous deux. Elle a compris parce qu'elle a commencé à s'impliquer un peu plus. Il est sorti de son semi-coma au bout d'une semaine environ et ce que les médecins n'ont jamais compris, c'est qu'il avait toutes  ses facultés. Là, Robert nous a demandé de retourner chez lui. Nous en avons parlé au médecin et il nous a dit qu'il n'avait aucune objection en autant qu'il y ait quelqu'un avec lui 24 heures par jour parce qu'il n'en avait plus que pour quelques jours. Nous avons réussi à avoir quelqu'un du C.L.S.C de 9 heures le matin à 6 heures du soir et moi je prenais le relais jusqu'au lendemain matin. Il avait encore un soluté que l'infirmière venait changer tous les matins. Elle m'a montré comment vérifier si ça coulait assez ou pas assez. Le médecin nous avait dit quelques jours mais ce n'est pas ce qui est arrivé. Il est revenu à la vie d'une façon magistrale. Il a recommencé à conduire son auto, à aller faire ses courses mais quand il sortait, il ne prenait presque pas de morphine. Nous avons donc recommencé nos soirées et nos nuits de jasette et ça a duré encore un autre six mois. Au Jour de l'An 1994, il est même venu souper ici. Je recevais et je l'avais invité mais une chose que je n'avais pas remarqué, c'est qu'il était en souliers. Ce n'est qu'environ 3 semaines après que je m'en suis rendue compte. Il ne me le disait pas et il avait toujours des bas et une robe de chambre très longue. C'est parce qu'un matin, quand je suis arrivée là, il était couché par terre. Il était tombé depuis au moins 4 heures et n'avait pu se relever et n'avait pu non plus tirer sur le fil du téléphone pour pouvoir nous appeler.Et le pire, pour ceux et celles qui connaissent ça, en campagne les cuisines d'été, c'est très froid même si c'est chauffé. Il était là par terre et il grelottait. Je lui ai tout de suite mis une couverture sur lui et un oreiller sous la tête et j'ai appelé Jean qui est venu le relever. Depuis sa dernière hospitalisation, il y avait une femme médecin qui venait le voir 1 fois par semaine. Je l'ai appelé et lui ai raconté et elle est arrivée pas très longtemps après et c'est là que j'ai vu qu'il avait les pieds terriblement enflés. Elle l'a fait entrer à l'hôpital toujours avec ma promesse de le ramener chez lui après des examens mais il n'est jamais revenu chez lui. Je suis montée avec lui dans l'ambulance le mardi soir. Le mercredi soir, le médecin m'a appelé pour me dire que c'était vraiment une question de temps. Je me suis rendue à l'hôpital et quand je suis arrivée, il était dans le coma. Mais, chose surprenante, je n'avais jamais vu Robert dormir les yeux complètement fermés et là ils l'étaient et il avait un beau visage serein comme s'il n'avait plus de douleurs.Toute la nuit,je lui ai tenu la main et je lui parlais et il me serrait la main.Et je lui disais souvent: "Robert, tu peux partir rejoindre ton père, tu as assez souffert, regarde la belle lumière blanche, ton père est là qui te tend les bras". À 6 heures le lendemain matin, les gardes sont venus pour le changer. Après ça, je me suis approchée de lui, je lui ai pris la main, il l'a serré, sa langue est sortie trois fois de sa bouche. L'infirmière était encore là et elle m'a fait signe que c'était fini. Et,là, j'ai éclaté. Même si je savais qu'il y avait une échéance,je ne pouvais pas croire que mon meilleur ami était parti pour toujours. Plus que çà, c'était un frère pour moi comme moi j'étais sa  soeur. Mais, vous allez peut-être trouvé ça bizarre mais pour moi, c'est le plus beau cadeau qu'il m'a fait, d'avoir permis que  ce soit moi qui soit là. Chose encore plus bizarre, il avait fait son testament le 03/02/93, il est mort le 03/02/94 et les 4 derniers chiffres de son no de tél. étaient 3294.

 

BYE BYE ROBERT NOUS NOUS REVERRONS. JE T'AIME ET JE T'EMBRASSE TRÈS FORT XXXXXXXXXXXXXXXXXXX

 

Et voilà,c'est terminé. Je ne vous ai pas fait partager ce vécu pour avoir des félicitations mais pour montrer qu'il y a d'autres maladies ou les gens souffrent aussi car je l'ai vu souffrir atrocement. Il essayait de me le cacher mais je le voyais quand même. Et, il avait tout ce qu'il voulait chez lui pour se suicider mais il aimait quand même trop la vie pour ça. C'est un choix que Jean et moi avons fait de l'accompagner jusqu'à la fin et nous ne le regretterons jamais. C'est une expérience de vie qui nous a changé la façon de voir la vie. Nous savons maintenant ou sont nos priorités.
 

Nicole Blais