1991

Juillet : grosse grippe qui s’avère être une mononucléose. Je suis seule avec 2 enfants…Je ne consulte pas et reste debout : les enfants ont  7 et 9 ans, je viens de déménager…Ouf ! Je pars une semaine en vacances et fait garder les petits la semaine suivante pour récupérer de la fatigue qui me poursuit.

Septembre : je consulte mon médecin qui est aussi mon employeur, car je ne me sens plus capable de mettre un pied devant l’autre. Je suis tenaillée par une double sciatique sur lesquelles quelques chiros ont perdu la foi et l’espérance, je perds la mémoire, je déprime, je suis couverte d’urticaire, mon cou vient de bloquer, j’ai la tête qui tourne, les oreilles qui bourdonnent, alouette ! La liste est trop longue. Après avoir craint quelques semaines durant une infection au VIH à cause d’une transfusion d’urgence reçu en 1980, mon médecin me donne un diagnostic de fibromyalgie et de fatigue chronique.

Chef de famille monoparentale avec deux enfants, j'évalue la situation et décide de déménager à la campagne (Calme, moins de pollution, sécurité pour les enfants). Après 3 ans sans activité professionnelle, de l'ensemble de mes symptômes, seule, la fatigue a diminué notablement.  Je mets en route un atelier de fabrication de faïence artisanale. Cette période de travail va durer 6 ans, 6 ans de douleurs, 6 ans de combat acharné contre l'inévitable.

 

2000

Ne parvenant pas à produire un travail suffisant, je fais faillite en février. Ma condition physique s'est détériorée. Douleurs intenses, urticaire chronique, confusion mentale temporaire et pertes de mémoires sont à l'ordre du jour. Je décide pourtant de retourner à l'école ne serait-ce que pour maintenir un certain travail cérébral, et ainsi éviter la dégradation de mes capacités intellectuelles.

 

2001

En avril, je reçois un diagnostic d'hypothyroïdie puis de maladie d'Ashimoto et je subis une hémithyroïdectomie droite qui confirme que les tumeurs sont bénignes et sans doute liées à la maladie d'Ashimoto. Ne souhaitant pas rester inactive, je retourne à l'école, ce qui se passe bien dans un premier temps, puis ma capacité de concentration et de mémorisation se dégradant, j'abandonne les études et un travail, que je qualifierais de manuel, m'étant offert, je commence à travailler à plein temps dans le restaurant du village. Il va s'en dire que pour effectuer ce travail j'ai du mettre au vestiaire tout ce qui fait une vie normale (famille, amis, études, loisirs) Au prix d'une vie spartiate entièrement vouée au travail et à la récupération, je tiens le coup jusqu'au 1er juillet 2003

 

2003

Prise de crises de vertige auxquelles je dois 3 chutes, j'abandonne mon travail et fini par recevoir un diagnostic de maladie de Ménières. Les grands vertiges du début sont remplacés par une sensation permanente que je qualifierais d'ébriété avec pertes d'équilibre, crampes diverses, etc. Ne voyant aucune évolution vers un mieux-être, je décide de créer une micro entreprise d'écrivain public. Travailler à mon rythme et à partir de chez moi me semble une option valable.

 

2004

Cette entreprise que je croyais pouvoir mener s'avère être un marathon de l'angoisse et du désespoir. À nouveau les spartiates sont au rendez-vous ! Nutrition, exercices, planification, médication, tout est mis en branle pour que je puisse produire. J'aime ce travail, j'ai les connaissances suffisantes... mais je suis incapable de le rentabiliser.

Mon état de santé s'est encore détérioré. Je perds mon orthographe, un travail d'une heure me prend un jour ou deux et me laisse épuisée pour le reste de la semaine.

 

2005

En janvier, submergée par les pensées suicidaires, je jette l'éponge avec ce que cela comporte de déception. Les douleurs chroniques ont atteint un sommet de l'insupportable, la fatigue profonde est revenue, je souffre des yeux, ma peau est si desséchée qu'il m'arrive de saigner si j'oublie la lotion hydratante, je ne digère plus rien, ma jambe droite enfle mystérieusement jusqu'au double de sa grosseur d'origine, les pertes d'équilibre, les vertiges, les insomnies, etc. Je suis au bout du rouleau et surtout je constate que mon état n'a fait que se détériorer depuis 15 ans. En conséquence, je fais une demande d'aide à la sécurité du revenu : je n’ai pas droit au chômage étant travailleuse autonome et mes réserves financières sont à 0 toutes grugées par les aléas de ma santé et la faillite de l’an 2000. Je demande le statut de contraintes sévères à l'emploi, il ne m'est accordé qu'un an avec contraintes temporaires à l'emploi. Alors commence le cirque juridique : avocats, expertises, doute, etc. J’ai du déménagé chez ma fille à Trois-Rivières pour m'assurer une certaine sécurité physique et là c’est la cerise sur le gâteau…Aucun médecin généraliste ne prends de nouveaux patients dans cette ville ni aux environs. Je n’avais vraiment pas besoin de ce surplus de soucis !

Aujourd’hui… Je tache de profiter de la vie à mon rythme, j’ai fait la paix avec mes incapacités et je travaille à savourer chaque instant à ma manière. Le plus souvent cela fonctionne, parfois je panique surtout les jours où j’ai des problèmes d’attention et de concentration, peut-être parce que je suis avant tout une intellectuelle et que, une fois le corps réduit à la presque impuissance, je comptais sur ce cerveau pour conserver l’élan vital.

Il me reste à trouver le praticien qui me donnera un traitement qui me convienne…et surtout à cultiver humilité et humour...les deux mamelles du bonheur !

Merci d'avoir lu ce témoignage, je vous souhaite de tout coeur les appuis, les soins et la compréhension dont vous avez besoin. 

 

Marie Levassor

 

4 août 2005

Bonne nouvelle aujourd'hui : je n'aurai même pas à me présenter devant le tribunal administratif pour l'obtention du statut de travailleur avec contraintes sévères à l'emploi, statut qui me donne un minimum de sécurité. Mon avocat a reçu la décision cette après-midi par fax et s'est empressé de me téléphoner cette nouvelle qu'il considère comme incroyable.

La fibromyalgie sort du placard !

Pour tous ceux qui attendent une décision administrative concernant la fibromyalgie, je dois vous dire qu'il n'y a pas de recette miracle pour obtenir ce que nous voulons , mais que partager notre vécu avec les intervenants en n'oubliant pas les aspects peu ''glorieux'' de notre condition du genre : je ne suis pas capable de sortir du lit toute seule, je dois choisir entre prendre un bain ou me faire un repas et l'incontournable :  je deviens tellement mélée que je pleure devant mon clavier parce que je ne trouve plus la lettre B, permet de se faire comprendre.

Ce que j'ai fait dans ce dossier c'est de rédiger une chronologie à la fois médicale et sociale (Je vis chez ma fille qui à
20 ans parce que je ne suis plus capable de fonctionner seule) en appuyant mes dires par des rapports médicaux. Je crois qu'en lisant ce texte on peut parfaitement se rendre compte que c'est aux prix d'efforts incroyables que je suis restée sur le marché du travail aussi longtemps.

Cela dit, je ne vais pas mieux pour cela et j'ai bien hâte à mon rendez-vous avec le Dr. Arsenault!

Je vous souhaite à toutes et à tous d'être dans la meilleure condition possible et surtout de ne jamais perdre courage !

Marie