Le dimanche 05 août 2007

 

Syndrome des jambes sans repos: le cœur encaisse

Charles Meunier

La Presse

Collaboration spéciale

Le syndrome des jambes sans repos intéresse tout particulièrement les chercheurs du Centre d'étude du sommeil de l'hôpital du Sacré-Coeur. Ce trouble neurologique, qui affecterait 10% de la population au Québec, ne nuit pas qu'au sommeil. Ses effets néfastes sont nombreux. Explications.

 En plus de gâcher le sommeil des personnes qui en sont atteintes et de les rendre somnolentes lorsqu'elles sont éveillées, le «syndrome des jambes sans repos» (SJSR), un trouble neurologique dont la cause n'a pas encore été formellement déterminée, engendre une forme de stress qui peut affecter sérieusement le coeur. C'est l'une des conclusions d'une étude menée par la cardiologue et chercheuse Paola Lanfranchi, son assistante Marie-Hélène Penestri, boursière de recherche au doctorat, et leurs collègues du Centre d'étude du sommeil de l'hôpital du Sacré-Coeur de Montréal, dirigés par le psychiatre Jacques Montplaisir.

Le SJSR, qu'on appelle également «syndrome d'impatience des membres», toucherait en moyenne 10% de la population adulte au Québec, comme ailleurs dans les pays industrialisés. Il est plus fréquent chez la femme que chez l'homme. Les personnes qui en souffrent ressentent, lorsqu'elles sont inactives (surtout le soir), un irrésistible besoin de bouger une ou deux jambes. Cette activité inopportune se poursuit durant le sommeil.


Sensations désagréables


Les sensations éprouvées sont désagréables: fourmillements, démangeaisons, picotements et courants électriques. Ces symptômes dérangent le sommeil, de sorte que les personnes qui en souffrent ressentent de la fatigue durant le jour - et il n'est pas rare qu'elles éprouvent des troubles de la concentration et de la mémoire.

«Durant le sommeil, explique la Dre Lanfranchi, les sensations désagréables disparaissent, mais les mouvements involontaires continuent. Ils peuvent s'étendre sur des périodes allant de quelques minutes à plusieurs heures.» La plupart du temps, ces mouvements ne sont pas perçus par le patient lui-même, mais par son conjoint. Leur amplitude est également très variable: elle se limite parfois à une extension du gros orteil ou à une flexion du pied, mais il arrive que le genou, voire la hanche, se mettent de la partie.

Selon la Dre Lanfranchi, la durée de chaque épisode se mesure en fraction de seconde. «Leur durée, précise-t-elle, varie entre une demie et cinq secondes, mais elles se produisent fréquemment. Chez certaines personnes, les mouvements surviennent de 30 à 40 fois l'heure, voire davantage.»

Comme le SJSR est souvent accompagné d'insomnie chronique et parfois de somnolence, il est considéré comme un trouble du sommeil, ce qui explique pourquoi il intéresse tout particulièrement les chercheurs du Centre d'étude du sommeil de l'hôpital du Sacré-Coeur.


Profil des personnes à risque


Le SJSR touche parfois plusieurs membres d'une même famille, ce qui laisse croire qu'il a une composante héréditaire. Quand c'est le cas, il fait son apparition durant l'enfance ou l'adolescence. Il peut également frapper les personnes atteintes de maladies chroniques comme le diabète, l'insuffisance rénale, la fibromyalgie ou la polyarthrite rhumatismale.

Les femmes enceintes semblent être des victimes toutes désignées, puisque de 16 à 19% d'entre elles en sont affligées, surtout durant les trois derniers mois de la grossesse. Une baisse importante du niveau de fer dans l'organisme en serait alors la cause. Fort heureusement, dans la plupart des cas, le SJSR disparaît après l'accouchement.

La carence en fer, qui a pour effet d'entraver la production de dopamine, un messager chimique sans lequel le cerveau ne peut fonctionner correctement, pourrait être un des éléments déclencheurs du SJSR. Ainsi, ce dysfonctionnement neurologique pourrait avoir pour origine un manque de dopamine dans le cerveau et la moelle épinière.


Le coeur bat trop vite, le coeur bat trop fort


Curieusement, ce ne serait pas le syndrome lui-même qui provoquerait une augmentation subite de la pression sanguine, mais plutôt le stress engendré par un épisode de SJSR.

La Dre Paola Lanfranchi explique: «Même préliminaires, les données recueillies dans le cadre de notre recherche sont très claires. La corrélation entre les mouvements des jambes et l'augmentation subite de la tension artérielle ne fait aucun doute. Même si les mouvements sont brefs, la fréquence et la tension cardiaques n'en augmentent pas moins fortement. Et ce que nous avons constaté, c'est que cette augmentation est plus importante chez les personnes âgées. Ce qui ne veut pas dire qu'elle doit être prise à la légère chez les personnes plus jeunes. On peut imaginer l'effort que le coeur doit fournir quand ces mouvements se déclenchent plusieurs fois l'heure, durant quelques heures d'affilée et ce, jour après jour, année après année, si la personne malade n'est pas traitée.»


Complexités physiologiques


Mais tout n'est pas si simple. Comme dans beaucoup de dérèglements neurologiques, le SJSR ne va pas sans son lot de complexités physiologiques. «Nous croyons que ce n'est pas le mouvement comme tel qui entraîne une augmentation subite de la tension artérielle, mais un stimulus qui, en quelque sorte, "stresse" le cerveau. Nous basons notre raisonnement sur le fait que le mouvement effectué par le patient lorsqu'il est éveillé ne fera augmenter la tension artérielle que de 5 à 10 millimètres de mercure. Quand il dort, et que le syndrome se manifeste, l'écart peut atteindre jusqu'à 50 millimètres de mercure», explique Paola Lanfranchi. Le stress responsable de l'augmentation de la pression artérielle pourrait être attribuable au fait que le cerveau de la personne atteinte du SJSR se comporte comme si elle se réveillait à répétition durant quelques secondes.

Aux dires de la Dre Lanfranchi, les effets du SJSR sur le coeur et les vaisseaux sanguins sont à ce point sérieux que même si aucun facteur de risque n'a été formellement identifié, certaines substances qui semblent déclencher ou aggraver le syndrome - la caféine, l'alcool, le tabac et certains médicaments -, de même que le stress et la fatigue, doivent être surveillés de près. «J'ai des patients atteints du SJSR, dit-elle, qui ont vu leur condition s'améliorer après avoir adopté de nouvelles habitudes de vie. Mais nous ne détenons pas encore toutes les clés du mystère. Voilà pourquoi nous allons approfondir notre recherche pour tenter de mieux cerner les causes réelles du SJSR et mieux comprendre les mécanismes qui amènent le coeur à s'emballer dangereusement.»

 









Traduit par Louise Rochette Louise
Email: LouiseRochette@gmail.com