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Fibromyalgie: un syndrome de la douleur dysfonctionnelle, un contexte rapport clinique

Par Nancy Walsh, Staff Writer, MedPage Today Publié: 26 octobre, 2012 Revisé par Dori F. Zaleznik, MD; professeur associé clinique de médecine, Harvard Medical School, Boston et Dorothy Caputo, MA, BSN, RN, Infirmière planificatrice

NANCY WALSH: pour MedPage Today, Je suis Nancy Walsh à Berlin pour le congrès annuel européen de rhumatologie. Je parle avec le professeur Serge Perrot de Paris de l'Université Descartes au sujet de la pensée courante de la fibromyalgie.

 Bonjour professeur.

PROFESSEUR SERGE PERROT: Bonjour, Nancy.

WALSH: En général, que diriez-vous que sont les traits cliniques bien visibles de la fibromyalgie?

PERROT: Alors, la fibromyalgie est une condition très fréquente et une condition négligée. Alors en premier, j'aimerais vous remercier pour avoir organisé ce rendez-vous et cette entrevue sur la fibromyalgie, parce que les rhumatologues font face très régulièrement à la fibromyalgie. Mais ici, même dans ce pays, il y a très peu de sessions dédiées à la fibromyalgie. La fibromyalgie est très fréquente. Elle peut arriver - chez 1% à 2% de la population, en Europe et dans tous les pays américains, et le symptôme le plus fréquent est la douleur suivie d'un sommeil perturbateur.

Mais elle est souvent accompagnée de plusieurs autres symptômes, des symptômes de douleur, comme un mal de tête, de la douleur au bas du dos, le syndrome de l'intestin irritable et aussi des désordres psychologiques comme l'anxiété, la dépression et ceci est plus pour les patients les plus sévères, qui font face à l'anxiété et à la dépression. Ceux-ci sont les patients qui sont référés aux rhumatologues et aux spécialistes de la douleur, et ces comorbidités psychologiques et psychiatriques sont quelquefois alarmantes pour les rhumatologues. C'est pourquoi je pense que la fibromyalgie est négligée et quelquefois considérée comme un désordre psychologique au lieu d'une condition rhumatologique.

WALSH: Est-ce qu'il y a un critère spécifique qu'on doit généralement rencontrer pour ce diagnostique?

PERROT: Il y a eu différents critères. Les plus vieux sont les critères ACR 1990 qui étaient très aidants à un moment donné parce qu'ils étaient basés sur l'histoire du patient ayant de la douleur chronique diffuse pour plus de 3 mois. Et ensuite un examen du patient était demandé, regardant les points sensibles et il devait y avoir 11 points sensibles sur 18. Mais ceux-ci sont des critères dépassés, les deux basés sur l'histoire et l'examen.

Et maintenant nous avons les nouveaux critères ACR 2010 qui ne demande pas aucun examen physique, mais ils sont basés principalement sur un questionnaire et sur la douleur sur les différentes parties du corps, aussi bien que les comorbidités, le manque de sommeil et l'anxiété.

WALSH: Quelle est la pensée courante de ce qui cause ce spectre de symptômes diffus?

PERROT: Si vous demandez à un rhumatologue, la plupart des rhumatologues vont vous dire que la fibromyalgie est un désordre psychologique, et que surtout un traumatisme psychologique peut mener à la fibromyalgie. Mais si vous êtes comme moi, une clinique avec des patients pour la douleur, et avec des patients fibromyalgiques très fréquemment, vous pouvez voir que le désordre psychologique est surtout la conséquence, mais pas la cause de la fibromyalgie. Et je pense que la fibromyalgie n'est pas réellement une maladie, mais plus un syndrome qui peut avoir différentes causes. Vous pouvez avoir une maladie infectueuse comme la maladie de Lyme ou l'hépatite C, qui peut vous donner de la douleur diffuse pendant plusieurs années, laquelle est une infection avant la fibromyalgie. Vous pouvez avoir la fibromyalgie après un traumatisme psychologique. Vous pouvez aussi avoir la fibromyalgie après des traitements, comme après un traitement pour le cancer ou après certains traitements qui peuvent diminuer, par exemple, vos niveaux de cholestérol.

Alors, la douleur diffuse de la fibromyalgie n'a pas seulement une cause, mais je pense que c'est une conséquence de ces facteurs déclenchants arrivant à un moment spécifique de votre vie et avec une certaine prédisposition à un moment donné. Vous savez que les facteurs génétiques ont aussi été trouvés avec la fibromyalgie. Comme, par exemple, la sensibilité aux récepteurs opioïdes, différentes sortes de récepteurs opioïdes, peuvent mener à augmenter la sensibilité à la douleur et sont aussi une mutation génétique de certains enzymes comme le catechol-O-methyltransferase qui peut mener à la sensibilité, à la douleur et spécialement, à la fibromyalgie.

WALSH: Une fois que vous avez fait le diagnostique, quel est votre approche de traitement global?

PERROT: Alors, le diagnostique de la fibromyalgie est très important, et faire le diagnostique est commencer le traitement. Parce que quand le patient sait qu'il a la fibromyalgie, je pense dans certains cas que c'est quelque chose qui peut commencer à améliorer le patient. Il n'aura pas à continuer à regarder pour plus d'examens, plus d'examens de sang, plus d'imagerie. Alors diagnostiquer la fibromyalgie est commencer à traiter la fibromyalgie.

WALSH: Très souvent, les patients ont été voir plusieurs différents médecins?

PERROT: Oui.

WALSH: Et sans succès.

PERROT: Oui. Plusieurs patients ont été voir pour un diagnostique pendant des années. Certains médecins n'aiment pas donner l'étiquette de la fibromyalgie, mais je pense que c'est une erreur. Quand un patient sait qu'il a la fibromyalgie, je pense qu'il commence à établir avec son médecin un bon traitement. Alors le traitement n'est pas seulement la médication; je pense que le traitement devrait être une combinaison d'un traitement pharmacologique et non pharmacologique. Et à chaque sorte de traitement, vous avez aussi de la douleur aigüe - et pour la douleur aigüe, un traitement non pharmacologique, et pour la douleur à long terme, le traitement non pharmacologique et pharmacologique.

Alors, vous pouvez concevoir le traitement pour la douleur aigüe et chronique, et le traitement non pharmacologique et pharmacologique. Et avec le traitement non pharmacologique, normalement je commence avec le traitement non pharmacologique, parce que normalement les patients ont expérimenté beaucoup de médicaments et plusieurs de ces médicaments n'ont pas réussi, non seulement parce qu'ils ne sont pas efficaces, mais je pense qu'ils devraient être combinés avec un traitement non pharmacologique. Cette combinaison de traitement  pharmacologique et non pharmacologique peut améliorer les deux approches.

Alors, pour le traitement aigüe non pharmacologique, je pourrais recommander, par exemple, la relaxation, la thérapie physique et un TENS - en autant que le patient en a la disponibilité. Ça dépend du pays et du système de soins de santé.

Mais la thérapie physique, une application de plusieurs sortes de crème sur la peau, sur les muscles, est très aidante. Mais ça n'agit pas à long terme; c'est surtout pour une thérapie de la douleur aigüe de la maladie.

Le patient devrait aussi utiliser certains analgésiques pour une crise de douleur aigüe, comme les NSAID, comme l'acétaménophène, comme de faibles opiacées, comme le tramadol. Mais encore, seulement informer le patient que ceci ne va pas être efficace à long terme; c'est seulement pour être utilisé pendant une crise de la maladie.

Et alors, la deuxième étape est de gérer à long terme la maladie. Comme nous avons avec l'arthrite rhumatoïde, c'est la modification de la maladie, les médicaments modifiés de la maladie, qui peuvent agir sur la modulation de la douleur. Et alors nous avons deux sortes de modulateurs de la douleur: les antidépresseurs et les anticonvulsants. Et c'est très important de dire au patient que ces traitements ne sont pas utilisés parce qu'il y a une dépression ou l'épilepsie, mais parce que ces traitements agissent sur la modulation de la douleur, et ils peuvent restaurer un bon fonctionnement de la douleur avec ce patient, parce que je pense que la fibromyalgie est un désordre de douleur réelle avec une amplification de la douleur et un manque d'inhibition de la douleur.

Alors ces deux traitements peuvent agir sur la restauration de l'inhibition de la douleur ou arrêter l'hypersensibilité de la douleur, comme les anticonvulsants. Et encore, les traitements non pharmacologiques devraient être utilisé à long terme, et ceci est principalement pour la thérapie cognitive de comportement ou un exercice à la piscine ou de la balnéothérapie ou on peut combiner l'exercice et l'éducation du patient, essayant d'aider le patient à gérer plus avec la douleur et toutes les conséquences dans sa vie.

WALSH: Est-ce qu'il y a des caractéristiques spécifiques qui vous feraient choisir un médicament en particulier plus qu'un autre pour un patient individuel?

PERROT: Exactement. Nous devons regarder prudemment toutes les comorbidités que le patient expérimente, comme les désordres du sommeil ou la fatigue. Et normalement quand les désordres du sommeil sont prédominants, normalement j'utilise les antiépileptiques pour les problèmes du sommeil et par exemple, le prégabalin ou le gabapentin. Et quand les niveaux d'anxiété ou de dépression sont plus hauts, j'utilise dans ce cas des antidépresseurs mixtes, comme un inhibiteur de la recapture de sérotonine-norépinéphrine (SSRI), qui peut affecter à la fois la douleur et l'anxiété ou la dépression.

WALSH: Que dites-vous à vos patients au sujet du pronostique à long terme?

PERROT: Normalement la première chose que je dis à mon patient est que la fibromyalgie est réelle. C'est une condition réelle, c'est dans la tête, mais parce que c'est dans la tête ça ne veut pas dire que c'est psychologique. C'est principalement un désordre de douleur avec une douleur dysfonctionnelle. La douleur est complètement principalement mal modulée. Et j'ai dit à mon patient qu'utiliser toutes ces combinaisons de traitement, non pharmacologiques et pharmacologiques, je pourrais aider mon patient à rétablir, pour soulager cette douleur et pour avoir une vie normale. Mais comme avec une migraine ou de la douleur au bas du dos, tous les patients vont encore être sensible à la douleur. Il y aura une rechute, et il y aura une certaine amélioration, mais normalement c'est pour toute leur vie. Mais ceci ne veut pas dire qu'ils vont être en douleur toute leur vie. C'est comme une migraine; quelquefois vous avez des attaques de migraine et quelquefois vous êtes 10 ans sans en avoir. Ceci ne veut pas dire que vous êtes complètement soulager de la migraine, mais ceci veut dire que vous avez une vie normale et quelquefois vous allez avoir, encore, des attaques de migraine, alors je pense que la fibromyalgie est exactement pareil.

WALSH: Dans la session que vous avez présidée ce matin, il y avait certaines discussions au sujet de l'effet de la température sur la fibromyalgie. Pensez-vous que la température a un effet?

PERROT: Je pense que la température est toujours quelque chose à discuter avec nos patients, parce que la température est toujours changeante et la douleur change toujours, et les personnes ne savent pas pourquoi la douleur est changeante alors ils regardent les conditions de la température extérieure. Et une étude qui a été présentée aujourd'hui était réellement élégante, réellement intéressante, et la conclusion était que la température n'a pas d'impact majeur. Mais normalement quand un patien dit que "je sens que la température a un impact sur ma douleur," je n'en discute pas avec mes patients. Je dis, "OK, mais vous vivez ici à Paris, où la température est changeante d'une journée à l'autre, alors vous avez à y faire face. Si vous ne l'aimez pas, allez au sud de la France, mais c'est cher d'aller là. Alors essayez de gérer et de prévenir cette modification qui est - causée par la température. Alors faites face à la température et ne vous battez pas avec la température."

WALSH: Est-ce qu'il y a beaucoup de recherches courantes pour essayer de mieux comprendre les causes de la fibromyalgie?

PERROT: La fibromyalgie, je pense, est vue comme une douleur dysfonctionnelle, et alors il y a plusieurs sortes d'études utilisant l'imagerie et regardant à ce qu'est la région du cerveau qui est impliquée avec la fibromyalgie, et ça ne semble pas spécifique à la fibromyalgie. Les régions qui sont impliquées dans le cerveau d'un patient avec la fibromyalgie ne sont pas réellement différentes de celles d'un patient avec de la douleur au bas du dos. La question est: pourquoi est-ce que la douleur est partout dans une condition et seulement focusser sur la douleur au bas du dos dans l'autre? Je pense qu'il y a des facteurs génétiques, probablement. Il y a des facteurs environnementaux, comme les microbes, comme la satisfaction dans la vie. Et alors pour le moment, nous ne savons pas exactement pourquoi la douleur est si partout -- diffuse -- et non dans les autres cas.

WALSH: Avez-vous un message final pour les médecins qui prennent soin des patients avec la fibromyalgie?

PERROT: Mon message est que nos patients se battent avec la douleur. Ils sont très courageux, alors aider vos patients. Ne laissez pas vos patients sur le chemin de la douleur. Et normalement ce n'est pas si difficile de traiter la fibromyalgie. La fibromyalgie est négligée. La fibromyalgie est vue comme une condition très difficile. Mais c'est principalement parce que nous traitons -- parmi tous les patients qui sont traités ce sont les patients avec la fibromyalgie qui sont les plus difficile. Mais si vous traitez la fibromyalgie tôt, si vous rendez le patient plus confiant vis-à-vis leur futur, vous allez aider le patient à faire face à la douleur et à utiliser toutes les stratégies qui rendent les patients mieux dans leur vie et avec une meilleure qualité de vie.

WALSH: Bien, merci beaucoup, professeur.

PERROT: Merci.

WALSH: Pour MedPage Today, je suis Nancy Walsh.

Serge Perrot, MD,a rapporté qu'il a eu aucune relations pertinentes financières pour publier.








Traduit par Louise Rochette Louise
Email: LouiseRochette@gmail.com