Yves de Koninck

Le vendredi 06 janvier 2006

Yves De Koninck, directeur de l’Unité de neurobiologie cellulaire au centre de recherche Université Laval — Robert-Giffard, une personne sur cinq souffrira de douleur chronique dans sa vie, ce qu’il n’hésite pas à qualifier « d’épidémie ».
Le Soleil, Jean-Marie Villeneuve

SANTÉ : DÉCOUVERTES 2005

La douleur chronique au tapis

Valérie Gaudreau

Collaboration spéciale

Lueur d’espoir pour les millions de personnes souffrant de douleur chronique : une équipe du centre de recherche Université Laval — Robert-Giffard a identifié en 2005 une protéine qui joue un rôle majeur dans le dérèglement qui pousse le cerveau à envoyer un signal de douleur intense, même lorsque le corps n’est l’objet que d’une simple caresse.

« La douleur chronique n’est pas juste un symptôme d’une autre maladie, c’est une maladie en soi », lance Yves De Koninck, professeur à la faculté de médecine de l’Université Laval et directeur de l’Unité de neurobiologie cellulaire au centre de recherche Université Laval — Robert-Giffard. Souvent méconnue, voire mal vue, la douleur chronique peut aller jusqu’à ruiner la vie de ceux pour qui chaque mouvement devient un enfer.

En 2003, l’équipe de chercheurs a découvert que certaines cellules de la moelle épinière interprètent mal les signaux et lancent au cerveau un faux message de douleur. En somme, le filtre qui doit dire au cerveau si ça fait mal ou non ne faisait tout simplement plus sa « job ». « On avait découvert que le mécanisme de filtrage était perturbé, voire inversé par l’accumulation d’ions de chlore dans les cellules », explique Yves De Koninck.
La trouvaille avait d’ailleurs été élue dans les 10 découvertes de l’année 2005 du magazine Québec Science.

La protéine BDNF

« Cette année, nous sommes repartis de là en se demandant qu’est-ce qui cause cette mauvaise interprétation des signaux », poursuit le Dr De Koninck. Le chercheur, en collaboration avec une équipe du Hospital for Sick Children de Toronto, a ainsi découvert qu’une protéine, la BDNF (pour Brain Derived Neurotrophic Factor), serait à l’origine de cette mauvaise communication au cerveau.

Créée par les microglies (le système immunitaire du cerveau), cette protéine est notamment produite lorsqu’il y a sensation de douleur. En s’activant au moment où la douleur est ressentie, les microglies produisent en effet la protéine qui contribue à débalancer, voire amplifier les messages de douleur.

Cette nouvelle conclusion réjouit le Dr De Koninck et rend de plus en plus envisageable la création d’un traitement qui aura pour tâche de bloquer la BDNF produite par les microglies.

Le nouveau traitement pourrait être développé d’ici quelques années. Il s’agirait, selon le chercheur, d’une nouvelle classe de médicaments, différente des anti-inflammatoires. Elle permettrait aussi de sortir des problèmes engendrés par la consommation de morphine, qui demeure jusqu’à maintenant l’arme numéro un contre les très grandes douleurs.

Cette nouvelle découverte, toute fraîche, a été publiée dans le numéro du 15 décembre de la prestigieuse revue Nature.

Selon le Dr De Koninck, une personne sur cinq souffrira de douleur chronique dans sa vie, ce qu’il n’hésite pas à qualifier « d’épidémie ». Des chiffres qui ne feront qu’amplifier avec le vieillissement croissant de la population.

La douleur chronique est d’autant plus difficile à cerner qu’elle a des origines très variées. « Elle peut être due au zona, à des traitements de chimiothérapie, à des maux de dos, des migraines ou encore la fibromyalgie, qui est une maladie encore très mal reconnue », conclut le Dr De Koninck.











Traduit par Louise Rochette Louise
Email: LouiseRochette@gmail.com